lundi 24 décembre 2012

Religions, inégalités et démographie


Qu'elles soient morales, politiques, religieuses ou autres, plus elles sont grandes, plus les causes ont besoin de troupes pour les promouvoir et les défendre ; d'où les encouragements qu'elles leur prodiguent de croître et se multiplier.

La religion constitue sans doute, avec la politique, l'un des chapitres sur lesquels l'homme se montre le plus intransigeant et il suffit pour s'en persuader de considérer les guerres et autres luttes dont est tissée l'histoire, ayant d'autres motifs que la conquête des richesses matérielles du monde. C'est donc en assurant tous les fidèles, sans distinction, du respect de leurs croyances, que le sujet est abordé ici.

Il ne s'agit pas de faire acte supplémentaire d'agnosticisme, et encore moins de prétendre tirer au clair le rapport existant entre l'homme, les religions et les Dieux qu'elles représentent. L'angoisse existentielle d'homo sapiens, par définition vieille comme lui d'un millier de siècles et source de foi, l'a conduit à se forger une spiritualité à laquelle nul n'échappe. C'est probablement ainsi que sont nées les superstitions puis les croyances de l'être humain, et qu'elles sont depuis entretenues par les religions qui en ont fait leurs fondations. Ce besoin de spiritualité, servi par un goût de la révélation et du mystère, davantage que par l'observation et la raison selon l'agnostique, est tel que ce dernier lui-même, rationaliste qu'encourage la science, a bien du mal à y résister ou à l'inverse, à ne pas basculer dans l'athéisme. Il est ici plus limitativement question du rapport entre les religions et la pyramide sociale, et de la mesure dans laquelle celle-ci est reconnue par celles-là, dans sa nature et son caractère aussi irrémédiable que détestable, pour le malheur premier de ceux qui logent à sa base avec si peu de possibilités de s'en extraire.

Le manteau spirituel dont l'humanité se couvre est un invraisemblable patchwork : Monothéismes, polythéismes ; philosophies déistes ou hérétiques, croyances des plus primitives et idéologies modernes, sans compter les dérives et schismes aussi nombreux que variées ni d'innombrables sectes et confréries, en sont les pièces bariolées, auxquelles s'ajoute l'athéisme, religion du non-Dieu, avec lui aussi ses papes, ses prêtres et ses prédicateurs. Toutes ces croyances reconnaissent implicitement la pyramide, au sommet de laquelle règne, selon le cas, ce Dieu en qui elles placent leur espoir en une vie meilleure dans l'au-delà ou plus simplement l'Homme lui-même, la plupart des idéologies n'étant rien d'autre que des "religions laïques"ou temporelles, avec chacune son idéal, par définition promis à n'être jamais atteint – ce que leurs tenants négligent superbement – son dogme, ses principes, ses temples et bien entendu ses prêtres ?

Les religions ont en tout cas le mérite, qui leur est généralement reconnu, d'avoir imposé aux hommes des règles de vie, une discipline morale, les ayant aidés à plus ou moins s'affranchir de la barbarie, bien que l'intégrisme de certains de leurs adeptes en soit encore bien proche. Leur rôle civilisateur ne saurait être contesté, en dépit des erreurs et des insuffisances pouvant leur être reprochées, et c'est à ce titre qu'elles partagent avec la science et le politique des responsabilités purement terrestres.

Hiérarchisée, comme l'est naturellement la société des hommes, il n'est pas d'exemple plus marqué de structure pyramidale que celui de toutes les églises et des structures schismatiques auxquelles elles ont pu donner naissance. Toujours un apex d'où Dieu domine des dirigeants servis par leurs clercs, eux-mêmes chargés de conduire au quotidien le troupeau des croyants majoritairement constitué par sa base. Pyramides d'autant plus plates et aux strates d'autant moins nombreuses que les pouvoirs s'y exercent à l'égard de croyants pauvres et populeux, elles s'inscrivent dans la pyramide globale constituée de l'ensemble des hommes, où se mêlent croyants et incroyants.

À l'égard de la pyramide sociale, les religions se distinguent par leur degré d'acceptation des inégalités qui y règnent inéluctablement entre ceux qui l'habitent. Cette acceptation va du fatalisme de celles pouvant être qualifiées d'hindouistes – ce que soulignait Tocqueville – aux règles à la fois plus subtiles et réactives du judaïsme, puis du christianisme et plus récemment de l'islam. Toutes y voyant l'épreuve mystérieusement imposée à ses créatures par le Dieu qu'elles représentent, sont autant de pyramides édifiées au nom de vérités promettant aux occupant de leurs divers étages la compensation de leurs malheurs terrestres dans un au-delà où les derniers seront les premiers. Objectivement, au risque de heurter, il y là instrumentalisation de la pauvreté par des structures au sommet desquelles règne un pouvoir aussi temporel que spirituel. Les religions se partagent ainsi la pauvreté, dans sa croissance et sa pérennité, assurées envers et contre tout, du seul fait de sa relativité alliée à une démographie en constante augmentation depuis l'origine de l'humanité.

Les résistances qu'il peut arriver aux religions d'avoir à vaincre, et le recul de certaines d'entre elles sont attribués à la montée du matérialisme. Ne serait-ce pas plutôt, ou tout autant, dû à la moindre crédulité qu'il génère ? Le déficit d'instruction, qui est le principal pilier de cette dernière, se comble en effet, de manière aussi spectaculaire qu'irréversible, sous l'effet de nouvelles façons de communiquer et d'apprendre.

Le XXIème s. sera spirituel ou ne sera pas a dit André Malraux. Sous la poussée d'un Islam en croisade et des autres religions tentant de s'unir pour lui résister, la prédiction coulait de source, mais la véritable question est : que pourrait-il en résulter pour la pyramide sociale, dans l'immuabilité de sa structure, garantie par la nature ?

Concernant le recul ou l'avancée comparée des religions, il est intéressant d'observer la mesure dans laquelle les richesses matérielles y jouent un rôle prépondérant, en parfaite contradiction avec le pseudo rejet par les unes et les autres du pouvoir temporel de l'argent. Après que la naissance puis l'expansion du judaïsme aient encore pris appui sur la force à l'état brut, dans l'opposition de tribus et de peuples semblant avoir agi sans prédominance de motifs religieux, jusqu'à la révélation d'un Dieu unique imposant Sa Loi à ses disciples, celles du christianisme ont étroitement été liées à la conquête de libertés qui n'avaient rien que de terrestre, puis de l'or et autres trésors exotiques. Après qu'il ait longuement mûri au rythme de la vie pastorale, l'Islam est quant à lui aujourd'hui servi par
l'or noir dont il
détient les réserves, comme en attestent ses retombées partout dans le monde ; du financement de sa propre propagation à celui de la dette des pays dont il a programmé la conquête. Acteur principal du développement démographique, dans une relation privilégiée entre pays pauvres et polygynie, son objectif déclaré de conquête du monde, par le ventre de ses femmes ne le dissimule même pas.


Détentrice de pouvoirs autant matériel que spirituel, les religions siègent au sommet de la pyramide sociale depuis que les premières croyances sont apparues. D'un point de vue purement socio-démographique, membres de l'élite, elles sont parmi ses premiers représentants à porter la responsabilité des malheurs qui écrasent une base proliférante et l'aggravation permanente de l'abominable sort de ses membres les plus défavorisés, tel qu'il en résulte. Elles accompagnent ainsi et cautionnent moralement l'action des États soucieux de conserver leur population en âge et en nombre propres à garantir leur dynamisme économique, en gardiennes de cette force supérieure à toutes qui est celle du nombre ; d'une démographie laminant tout sous son poids. Ne pouvant rien changer à l'ordre naturel et immuable selon lequel la nature et sa naissance attribuent à chacun sa place dans la pyramide sociale, elles se font les complices des gardiens de l'ordre qui y règne, soumises, réduites à exhorter ceux qui en souffrent à patienter et dans le meilleur des cas à les y aider par la charité et la prière.

Toute religion se fonde ainsi sur l'angoisse existentielle humaine, et entretient une foi qui, par définition, est le contraire de la raison. Comme la richesse, la religion existe par la pauvreté, laquelle exacerbe cette angoisse. Si la richesse est le pendant naturel de la pauvreté ; le contraire sans lequel elle n'existeraient pas davantage l'une que l'autre, la religion en est d'abord le produit en même temps que la justification première. Dans la crédulité qui la différencie d'une élite trop savante pour s'abandonner à une foi aveugle ; dans sa précarité intellectuelle, morale et matérielle, la pauvreté se voit offrir par la religion une compensation différée de ses misères, qui l'aide à les supporter jusqu'à une fin d'ailleurs présentée, par la religion elle-même, comme une délivrance.

Comme la médecine finit par accorder plus d'attention à la maladie qu'au malade, comme la science piétine la morale au nom de sa curiosité, les religions privilégient par vocation l'éternel par rapport au temporel, en cultivant le caractère incontournable de la condition humaine et de ses inégalités naturelles plutôt que de le combattre. Le pouvoir des religions serait pourtant déterminant dans une stratégie de dénatalité qui permettrait le retour à une société équilibrée, offrant aux plus démunis la dignité, à défaut d'une abolition de la relativité de leur position dans la pyramide sociale. Ceci selon une éthique garantissant le respect de la vie, s'agissant de prôner et prêcher la limitation de la conception, donc des naissances et du surnombre qui en résultent.

Addition
Copie d'un échange avec Zenit
organe de presse en ligne émanant du Vatican

- Claudec a écrit le 20/12/2012, commentant un article intitulé "La lutte contre la pauvreté" :
« Les religions jouent un rôle qui se différencie de celui des autres pouvoirs par leur prêche d\'une soumission au grand ordre des choses, en échange d'un meilleur au-delà, alors que d'autres œuvrent en vue de changements ici-bas, par la science ou la révolution. Mais dans tous les cas la pyramide sociale reste immuablement la même, avec son sommet où règnent les puissants et sa base où s'empilent les pauvres. Pour quelques développements voir :http://claudec-abominablepyramidesociale.blogspot.com Ou lire : "La Pyramide sociale - Monstrueux défi" De la richesse à l'exclusion sociale aujourd'hui et à la barbarie demain :
nhttp://www.thebookedition.com/la-pyramide-sociale---monstrueux-defi-claudec-p-84411.html »
- Zenit répond :
Cher lecteur,
Merci d'avoir pris le temps de nous faire part de votre sentiment ; Cependant, l'Eglise catholique a élaboré une "doctrine sociale" abondante qui propose concrètement des changements [en vue] de plus de justice dans ce monde. Elle a été réunie dans ce volume en ligne :
http://www.vatican.va/roman_curia/pontifical_councils/justpeace/documents/rc_pc_justpeace_doc_20060526_compendio-dott-soc_fr.html
Dans l'Ancien Testament, les prophètes déjà exigeaient la conversion pur que le monde devienne meilleur.
Le prophète Isaïe a lui-même fustigé ceux qui prient et rendent un culte à Dieu sans faire justice aux plus défavorisés.
L'Evangile en dit pas autre chose… et les 10 commandements, s'ils étaient appliqués, sont une vraie révolution sociale.
Que le pape Benoît XVI a rappelé dans son encyclique sociale (à la suite des encycliques sociales de ses prédécesseurs, Léon XIII et Jean-Paul II) :
http://www.vatican.va/holy_father/benedict_xvi/encyclicals/documents/hf_ben-xvi_enc_20090629_caritas-in-veritate_fr.html
Nous serons jugés, dit S. Matthieu non pas sur nos prières mais sur ce que nous aurons fait pour qui est nu, qui n'a pas à manger, qui est prisonnier ou malade.
Pas d'Evangile sans se retrousser les manches pour changer le monde,
pour transformer les structures de péché qui opprime les peuples en structures de justice, d'amour, de liberté et de paix.
Mais c'est seulement notre point de vue.
Bien cordialement.
Le courrier de la rédaction
- Le 22 déc. 2012, Claudec revient sur le sujet dans les termes suivants :
Bonjour,
Merci de votre réponse et du lien qui me permettra d'approfondir la position de l'Eglise sur un sujet qui, en dépit de son caractère fondamental, me semble occulté.
« Pas d'Evangile sans se retrousser les manches pour changer le monde, pour transformer les structures de péché qui opprime les peuples en structures de justice, d'amour, de liberté et de paix.» C'est bien là qu'est la question ; posée concernant une structure naturellement et immuablement pyramidale de la société, selon laquelle toutes choses intéressant la condition humaine, dont notamment la richesse et la pauvreté – non limitativement matérielles – revêtent un caractère irrémédiable et irrémédiablement relatif.
Cordialement vôtre
Claudec
- Le 23/12/2012, réponse de Zenit :
PS Vous avez raison, la rédaction française de Zenit en français va essayer cette année de trouver des intervenants compétents dans ce domaine.
Bon Noël!
Le Courrier

NB
Il aurait pu être ajouté à la réponse du 22 déc, concernant la citation d’Isaïe fustigeant ceux qui prient et rendent un culte à Dieu sans faire justice aux plus défavorisés, que la question n’est pas là mais dans le fait que précisément, justice est refusée aux plus défavorisés par le simple fait qu’ils naissent dans une structure pyramidale où ils sont irrémédiablement condamnés à l’injustice par inégalité naturelle.

lundi 17 décembre 2012

La pyramide sociale et l'élite


«... un double divorce est en train de s'opérer sous nos yeux :
entre le peuples et les élites d'une part;
entre le peuple et le progrès de l'autre »
Jacques Julliard
"La faute aux élites" Gallimard 1997
[Ne serait-ce pas plutôt entre le peuple d'une part
et le progrès allié aux élites d'autre part ?]


«... un double divorce est en train de s'opérer sous nos yeux :
entre le peuples et les élites d'une part;
entre le peuple et le progrès de l'autre »
Jacques Julliard
"La faute aux élites" Gallimard 1997
[Ne serait-ce pas plutôt entre le peuple d'une part
et le progrès allié aux élites d'autre part ?]

Parler de sommet de la pyramide sociale plutôt que d’élite serait une précaution permettant d’éviter l’amalgame de tous les membres de la société qui en occupent le sommet et y exercent leur autorité intellectuelle et morale, en compagnie du pouvoir de l'argent. Une telle promiscuité n’est pas en effet sans conséquences, outre l'abus de pouvoir auquel se livrent de trop nombreux imposteurs. S'il est réducteur de ramener la richesse – comme la pauvreté – de la société et de chacun de ses membres à son seul aspect matériel, il l'est davantage encore de considérer qu'il suffise d'occuper le sommet de la pyramide sociale pour en être digne et y exercer une autorité, quand bien même elle ne serait qu'immatérielle. C'est une prédominance et une insuffisance de partage bien plus complexes et solidement établies que celles du seul argent, émanant notamment des pouvoirs médiatique, politique, religieux, scientifique et technique, qui est en cause lorsqu'il est question d'inégalités. Dans une telle perspective, le pouvoir de l'argent, bien que dominant trop souvent les autres, est à leur service comme il en est le ciment.

La véritable fixation dont font l'objet les inégalités sociales, vues à travers le prisme réducteur des richesses matérielles, fait oublier les autres, lesquelles prospèrent elles aussi au préjudice aggravé de ceux qui en sont les victimes, dans une discrétion pour le moins surprenante de la part des premiers dénonciateurs de leurs malheurs. L'opacité qui règne à propos de la richesse matérielle et de ceux qui se la partagent n'est d'ailleurs pas la moindre manifestation des pouvoirs s'exerçant sur l'ensemble de la société, au point de s'interroger sur l'intérêt que pourraient avoir une partie de l'élite à s'allier avec ses pseudo membres pour en tirer un supplément de caution, quel qu’en soit le caractère suspect.

Quoi qu’il en soit, la question est de savoir dans quelle mesure et avec quels arguments ceux qui peuplent le sommet de la pyramide sociale en admettent ou en rejettent la représentation proposée ici, et nient les effets de la croissance démographique sur la pauvreté et les inégalités.

Les religions

Nous y reviendrons en détail, mais elles ont en commun de promettre à l'homme le bonheur dans l'au-delà, en compensation de sa condition ici-bas, avec pour effet des résultat jusqu’ici incontrôlés mais de l'avoir fait patienter aussi longtemps que sa crédulité n'a pas eu à subir les assauts d'une information omniprésente, véhiculant un savoir chaque jour plus étendu et partagé, quitte à être illusoire. D'anciennes civilisations et leurs prêtres l'avaient bien compris, qui allaient jusqu'à réserver aux seuls notables l'usage de l'écriture, punissant de mort toute infraction à cette règle. Leur promesse, aveu implicite de la reconnaissance du caractère incontournable de la pyramide sociale, garantit en tout cas un ordre n'ayant rien d'autre que de temporel, en y soumettant d'abord les plus crédules, naturellement recrutés à la base de cette pyramide.

L'une des grandes religions s'accommode des statistiques démographiques produites par les experts en la matière, en dépit des approximations et du caractère douteux dont elles sont entachées, mais il y a pire. Il suffit pour s'en apercevoir de penser aux invitations à croître et à multiplier, prêchées par toutes, et à la polygynie prônée par l’une d’entre elles. Une planisphère localisant cette pratique, qui est l'aspect le plus préoccupant de la polygamie en regard de la natalité, permet de constater sa relation étroite avec les zones de surpopulation dans le monde.


Source Wikimedia - internet



Et le fait que la religion dont elle est encore l'une des valeurs – ses prophètes ayant apparemment mieux anticipé que d'autres le parti qu'ils pourraient tirer de la démographie – au point que ses intégristes les plus actifs fassent du ventre de leurs femmes l'une des armes les plus efficaces de sa volonté affichée de conquérir l'univers *, n'a rien de rassurant, ne serait-ce que du seul point de vue qui nous intéresse ici.

Apparaît dès lors la mesure dans laquelle la misère des hommes a été et demeure le socle sur lequel les religions se sont édifiées et continuent de reposer. Elles pourrait suffire à expliquer que ces religions soient objectivement opposées au principe de dénatalité, et tellement résolues à ignorer l'abomination de la pyramide sociale autant que son hypertrophie.

"L'intelligentsia"

Véritable diaspora, elle est issue de cette multitude de modernes clercs et praticiens que sont savants, scientifiques, techniciens, enseignants et docteurs en tous genres. S'y mêlent les représentants de la pseudo élite dont il est question plus haut : beaux esprits et autres philosophes plus ou moins libres-penseurs, provenant du show-business, des sports, des lettres, etc ... Maîtres à penser grands et petits, reconnus aussi bien qu'autoproclamés. Gonflés de certitudes dogmatiques pour bon nombre d'entre eux, ils pratiquent des langages, formules et indices connus d'eux seuls pour exercer à l'égard de plus ignorants qu'eux, une véritable dictature dont la pensée unique est l'exemple flamboyant. Toujours prêts à s'indigner de tout sans se préoccuper des fondamentaux, comme en attestent par exemple la médiatisation de leurs innombrables interventions en faveur de l'environnement ou contre tel ou tel pouvoir, il est compréhensible que la pyramide sociale puisse n'avoir pour eux rien de particulièrement remarquable – pas davantage que pourrait les inquiéter l’hypertrophie de sa base – et qu'ils soient amenés à combattre les inégalités dans une confusion qui ne fait que les aggraver. Bien que caricatural, Il suffit pour s'en rendre compte de lire l'article intitulé "La polygamie: pourquoi pas ?", paru le 24 mars 2012 sous la signature d'une auteure qui se qualifie de philosophe et dont voici l'introduction : « Pourquoi est-il devenu aujourd'hui impossible de prononcer le mot polygamie sans qu'aussitôt le débat s'enflamme? La polygamie serait à éradiquer, comme un fléau, si l'on écoute certains politiques... [ayant été jusqu'à proposer] de faire de "la polygamie de fait" un délit pour les personnes naturalisées, puni de la déchéance de la nationalité ... La proposition fut abandonnée, on en fut quitte pour le ridicule.
Pourquoi donc cet acharnement contre la polygamie ? Parce qu'il n'y a plus aucune once de réflexion censée (sic) sur la place publique concernant ce sujet. Ce ne sont qu'amalgames et a priori, ressassements et attaques aveugles. C'est à qui s'indignera le plus vite et le plus fort. La polygamie serait la mère de tous les vices, et la monogamie le garant de l'ordre moral et le fondement de notre société ... C'est un fantasme qu'il est temps de dénoncer. » (**)

Il est surtout temps de cesser de prendre aussi naïvement pour des jaillissements d'intelligence une fertilité intellectuelle irresponsable se lâchant dans l'impunité totale. Il est trop facile de briller, confortablement attablés entre amis pratiquant le même exercice, à la terrasse d'un café germanopratain, ou face à un auditoire complaisant.

La classe politique

Pour des raisons assez comparables à celles attribuables aux religions – le pragmatisme attaché au seul temporel faisant en principe la différence –, les politiques refusent eux aussi majoritairement la remise en cause démographique, semblant ignorer son rapport avec les inégalités sociales, tant le concept est absent de leurs propos. Le sectarisme, voire l'anticléricalisme de la minorité d'entre eux qui s'en montreraient partisans – si le sujet faisait débat – suffirait d'ailleurs à les décrédibiliser, la moindre référence à la pyramide sociale semblant leur échapper.
Peut-il en être autrement, une telle prise de position allant à l'encontre de vérités solidement établies ? Ne serait-ce pas tout simplement militer pour la dénatalité de leurs électeurs ? L'attachement des élus à leurs mandats les renvoie à des suffrages dont la conquête comme la conservation reposent sur une démagogie respectueuse avant tout d'opinions majoritairement formées – avec le concours des media – par le pouvoir spirituel et l'intelligentsia régnante. Leur intérêt, soutenu par l'ordre des choses et réciproquement, prive la plupart d'entre eux, non seulement de la clairvoyance mais du courage nécessaire.

Les responsables de l'ordre et de la sécurité, tant policiers que militaires, étant l'exécutif permanent des politiques – et dans de nombreux cas du religieux –, leur attitude au sein de la pyramide sociale, en relation ou non avec la démographie, ne peut qu'en dépendre ; aussi ne sont-ils évoqués – sans entrer dans le détail – que pour souligner le poids dont leur pouvoir, pouvant aller jusqu'à l'oppression, pèse sur la société.

Les media

Aussi nombreux que les courants de pensée qu'ils sont censés représenter, luttant entre eux pour la conquête d'un lectorat ou d'un audimat, à la manière des politiques pour celle de leurs électeurs, la preuve nous est administrée quotidiennement que l'information qu'ils dispensent a davantage pour objectif de modeler l'opinion, au service de leurs maîtres financiers aussi bien qu'idéologues, que de l'éclairer. Leur pratique du vedettariat n'est pas sans rappeler le show-business, sans aller jusqu'à s'aventurer au-delà des idées reçues et d'un sensationnel dont ils peuvent assaisonner à moindre frais le quotidien de leur clientèle. Sans doute est-ce pour cela que la presse écrite comme la radio et la télévision font généralement preuve d'une indifférence rare à l'égard de la démographie et de sa relation avec la pyramide sociale, lorsqu'il leur arrive de concevoir la réalité de cette dernière. La meilleure illustration de cette attitude est l'intérêt aussi vite éteint qu'éveillé, qu'a suscité le fait démographique pourtant de première importance, qu'a été le franchissement du nombre des 7 milliards d'être humains peuplant la planète.

Internet peut paraître faire exception et donner l'impression de corriger les carences et compromissions des modes d'information traditionnels, précisément parce qu'avec toutes ses insuffisances et ses outrances, ce nouveau moyen de découverte et d'expression est accessible au plus grand nombre, mais deux observations conduisent à en douter :
La première porte sur la censure qui s'y exerce sous prétexte d'une modération qui, loin d’être inutile,  n’en conduit pas moins trop souvent,  au rejet pur et simple de ce qui n'est pas conforme à la ligne éditoriale des innombrables blogs, sites, forums et tribunes émanant aussi bien de media traditionnels que de l'initiative privée, toutes opinions confondues.
La seconde est que s'y multiplient des micro groupes qui viennent y débattre des questions les plus diverses, entre intervenants étant par avance d'accord entre eux. Chacun étant bien entendu persuadé de détenir la vérité à propos de ce qu'il connaît mal, voire pas du tout. Toute intervention contradictoire y étant impitoyablement refoulée, les discussions y prennent un tour plus affligeant de médiocrité que porteur d'un espoir de progrès des esprits qui en auraient le plus besoin. Comme si, là encore, la pyramide s'imposait, condamnant la pauvreté à occuper la partie la plus basse en même temps que la plus importante de son volume.

En résumé, en laissant sa place à l'exception ; en évitant l'amalgame ; en faisant la part de la philanthropie, de l'humanitaire, du caritatif, institutionnalisés ou non, collectifs comme individuels, dont les efforts méritoires soulignés par ailleurs sont condamnés à une insuffisance chronique par le nombre et parfois une compassion maladroite, une large partie de l'élite est quasiment muette sur le sujet qui nous intéresse. Il en est comme si elle n'était pas concernée ; comme si le concept de pyramide sociale lui échappait ; comme si elle vivait, volontairement ou non, consciemment ou non, coupée d’une réalité sociale fondamentale et a fortiori de son rapport avec la démographie. Couvant néanmoins jalousement et pesamment le reste de cette pyramide sociale, de sa base à sa partie médiane, elle ne partage ses angoisses ou ne s'en préoccupe, que par une observation où l'anthropologie le dispute à la compassion, ce qui ne fait que les aggraver.

S'il devait être appliqué aux détenteurs de la richesse intellectuelle et morale l'intransigeance avec laquelle est reprochée à ceux qui exercent les pouvoirs matériels leur cupidité et leur égoïsme, alors une partie de l'élite ne pourrait qu'être accusée de témoigner à l'égard de ces derniers d'une complicité pour le moins objective.

C'est cette partie de l'élite et sa complaisance à l'égard de ceux qui s'en prétendent abusivement les membres, qui pourraient ainsi être la première cause de la dislocation fatale de la pyramide sociale. Mais rappelons-le : à supposer qu'un tel résultat, auquel aspirent les révolutionnaires vrais ou faux, ne conduise pas au néant, il n'aurait pour effet que de donner naissance à une nouvelle pyramide sociale, avec toujours son sommet et sa base.

* - Cf. déclaration de Hari Boumedienne se flattant en 1974, à la tribune de l’ONU,  de ce que l'islam ferait la conquête de l'Europe et du monde par le ventre de ses femmes. Menace reprise depuis, en particulier par son défunt coreligionnaire, le Colonel Khadafi.

** - http://www.huffingtonpost.fr/catherine-ternaux/polygamie-amour_b_1373398.html

Pyramide sociale, fin du monde et meilleurs vœux


La fin du monde est pour demain ! Fin du monde ou fin de l'humanité ? Dans un cas comme dans l'autre, deux choses sont sûres : l'évènement passerait inaperçu à l'échelle de l'univers et, qu'il s'agisse de la seule espèce humaine ou de son habitat, cette fin est dans l'ordre des choses. Tout ne naît-il pas pour mourir un jour.?

Pour en rester à l'homme, puisqu'au fond c'est bien la seule chose qui l'intéresse, à en juger par l'état dans lequel il a mis et continue sans vergogne de mettre la planète qui l'abrite, il se pourrait bien que cette fin soit proche. Peut-être s'agira-t-il d'une fin n'ayant rien à voir avec l'un de ces films prétentieux qui voudraient nous en donner une idée apocalyptique. Certes les flammes, l'eau et toutes les forces de la nature (peut-être vengeresse) y prendront part, ce dont nous avons un avant-goût par les catastrophes dont des moyens d'information toujours plus performants nous livrent régulièrement les images, mais les préparatifs d'un autre type de séisme, plus pernicieux et auquel l'homme est plus intimement lié, sont en voie d'achèvement. Il se pourrait bien que la fin de l'année qui s'achève, peut-être même plus précisément le 21 décembre, soit le moment où se mettra en marche le mécanisme de notre anéantissement. Tout est en place, à l'issue d'une longue préparation qui est allée en s'accélérant au cours des deux derniers millénaires, avec l'aide des sciences et du progrès. Le simple franchissement d'un point de non retour pourrait alors être daté comme sonnant notre fin.

Ceux qui avaient prévu l'évènement pour l'an 2 000 ne se seraient trompés que d'une douzaine d'années, ce qui est bien peu de chose avouons-le. Et si les Mayas sont eux aussi dans l'erreur, accordons leur le handicap de moyens de calcul moins sophistiqués que les nôtres. Ils ont pu néanmoins être capables d'évaluer, en simples observateurs méticuleux de leurs propres mœurs – qu'ils devaient considérer comme celles partout en vigueur – ce à quoi elles conduiraient dans quelques siècles ? Quant à la forme que devrait prendre leur prédiction, qu'ils aient vu les hommes promis à leur fin dans des délais déterminés est une chose, que cette fin doive être collective, subite et violente, ou précédée d'une agonie plus ou moins longue en est une autre qui pouvait ne pas les préoccuper. Seul le résultat pouvait les intéresser, qui dans les deux cas serait le même : la fin de l'humanité.
N'est-il pas dès lors permis d'imaginer – d'autant plus que cette structure leur était familière – qu'ils surent entrevoir dans un lointain futur, la pyramide sociale, sa base hypertrophiée par le nombre, fissurée, gangrenée par les inégalités de toutes sortes qui ne pouvaient aller qu'en s'aggravant, exploser et s'écrouler sous son propre poids, avec des soubresauts plus ou moins violents, pour parvenir enfin à cette égalité à laquelle ils ne semblent cependant pas avoir cru – contrairement à nous –, par laquelle tous les hommes se situent enfin au même niveau, celui auquel ils se rejoignent infailliblement au moment de leur mort.

À en croire Pareto, 5 milliards et demi d'hommes peuplant la base de la pyramide sociale, font de nos jours le bonheur du milliard et demi logeant au-dessus d'eux, selon un mécanisme naturel, incontournable et vieux comme le monde, ce que les Mayas ont par conséquent pu concevoir, par la simple observation de leur propre société. Ils ont pu de même se livrer à un calcul parfaitement à leur portée, leur faisant prévoir qu'à proportions inchangées, le temps où la population des hommes croîtrait, comme c'est le cas de nos jours, au rythme quotidien de 250 000 individus, l'explosion générale deviendrait inévitable.

L'heure n'en a-t-elle pas sonnée ou n'est-elle pas sur le point de le faire ?

Trop peu scientifique pour être simplement lisible ! diront les uns. C'est omettre que l'intuition – jointe à des facultés d'observation perdues depuis – est ce qui a nécessairement tenu lieu de sciences aux premiers penseurs, qu'ils aient été précolombiens ou autres. C'est surtout se satisfaire de contorsions intellectuelles dont la vanité est pourtant attestée par l'état de la société aujourd'hui, le progrès matériel étant loin de faire le compte.

Excès de pessimisme ! diront les autres. Mais qu'y-a-t-il de pessimiste dans le fait de considérer que 7 milliards d'êtres humains, auxquels s'en ajoutent quotidiennement 250 000, constituent un poids trop lourd pour la planète et mènent à la catastrophe écolo-sociale ? Ne s'agit-il pas plutôt d'anticipation par réalisme et bon sens ?
Ceci dit, rien ne presse. Une minorité d'hommes a encore de beaux jours à vivre. Quant à la grande majorité des autres, il lui reste à patienter dans la résignation ou à mener ses habituelles révolutions, lesquelles n'ont jamais rien changé au grand ordre naturel des choses.

N'en déplaise aux catastrophistes, aux amoureux de grands spectacles et d'effets spéciaux, soyons heureux. Nous pourrons encore échanger nos vœux d'heureuse année nouvelle pour 2013.