Quelques lignes
en réaction au dernier hors série (mai 2016) d'une revue de vulgarisation scientifique, consacré aux grandes idées politiques, et plus
particulièrement au premier de ses articles, dont le titre est ici
repris en changeant sa forme, d'affirmative en interrogative.
L'idéologie politique et la foi religieuse ont en commun, la suprématie de l'imaginaire sur
le réel.
Il
revient probablement aux religions, ou plus précisément à ce qui
en a tenu lieu jusqu'à ce qu'elles acquièrent ce statut,
d'avoir été les premières à élaborer de quoi répondre à l'angoisse existentielle de l'homme. C'est par elles que
la majorité de l'humanité puise dans la spiritualité son sens de
l'immortalité et l'espérance d'une vie meilleure dans l'au-delà,
en compensation des aléas de la vie ici-bas.
Parallèlement,
avec toutefois un retard dû à la prise de conscience de leurs
inégalités sociales par les hommes, sont apparues les idéologies
politiques, dont les principales se ramènent de nos jours aux termes
de notre devise nationale. Le second rêve de l'homme était ainsi
né, conforté et mis au service de l'amélioration de sa condition
temporelle.
Ces
deux rêves conditionnent –
spécialement en France – autant la politique que la religion,
dans le
refus du réel
au profit de
l'imaginaire.
Non pas que ceux qui y sont attachés
ignorent les dures réalités d'une condition humaine qui
est leur raison d'être, mais parce
qu'entraînés
par leur idéalisme ils
considèrent cette condition dans ses effets en négligeant ses
causes. Et
le rêve
politique, en dépit du fait qu'il lui
soit arrivé de tourner au cauchemar, se
manifeste encore pour attribuer aux luttes sociales des
mérites qu'elles n'ont pas toujours eus, loin s'en faut. Bien des
avancées sont attribuées à la lutte des classes alors
qu'elles
ont été, plus
simplement, les fruits du progrès.
La preuve en est dans des revendications fondamentales inchangées
depuis la nuit des temps et
des pauvres en nombre toujours plus
élevé, parmi lesquels la pauvreté
profonde ne cesse de se développer.
Quoi
qu'il en soit, s'en tenant
aux 3
grands idéaux qu'énonce notre devise
nationale, auxquels pourrait être
ajoutée la
"compassion"
pour que s'y reconnaissent
comme par malice autant le laïc
que le religieux, l'un et l'autre oublient :
-
1° Que tout idéal se définit comme « n'ayant qu'une existence intellectuelle, sans être ou sans pouvoir être perçu par les sens ; qui a les caractères de l'idée. Synonymes : abstrait, idéel, théorique »1. et qu'en conséquence politique et religions sont livrées à leurs idéaux au détriment de la praxis. Attitude plus ou moins partagée par toutes les tendances politiques, qu'elles soient de droite ou de gauche, cette dernière allant toutefois jusqu'à prétendre vouloir « réenchanter le rêve français (ou républicain)»2.
-
2° - La structure incontournablement pyramidale de la société des hommes, au demeurant conforme à la vision religieuse de l'univers.
-
3° - La dimension atteinte par le fait démographique ; quand la population mondiale augmente chaque jour de 280 000 individus, alors qu'elle a déjà largement sursaturé la capacité de la planète de subvenir à ses besoins et qu'elle est en voie de consommer près de deux fois ses ressources (cf. empreinte écologique)
-
4° - Que « ... tout être humain est, avant toute autre activité ou toute autre opinion, un consommateur »3 ou plus trivialement : que nous sommes objectivement chair à canon, à boulot et à impôts. Chaque être humain est devenu, envers et contre tout, une "UPC" (unité de consommation-production). Nous sommes loin de l'humanisme qui s'accordait avec le propos de Jean Bodin, selon lequel « Il n'est de richesse que d'homme », contredisant Voltaire pour qui « La nature se soucie bien peu des individus »
-
5° - que si le rêve favorise le débat à l'infini – pour la prospérité de la polémique et le bonheur des utopistes – les meilleures intentions s'y perdent et il interdit la véritable gouvernance, spécialement lorsqu'elle devrait faire preuve de pragmatisme.
En
résumé, les idéologies ne meurent jamais, parce qu'elles sont des
rêves et que le rêve est par nature intemporel.
Pendant
ce temps-là, progrès, richesse et population progressent dans la
démesure, avec pour première conséquence un accroissement
incessant des inégalités sociales que religions autant que
politiques prétendent combattre.
1 Trésor de la langue française (CNRS)
2 Dixit François Hollande
3 Gaston Bouthoul in Traité de sociologie II, Payot éditeur.
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Source : Démographie responsable
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