De la spiritualité
Je ne hais ni ne
crois avoir jamais haï qui que ce soit, et je ne refuse pas l’amour
de Dieu ; je m’en tiens simplement et sans le besoin de la
moindre idéologie ou croyance préfabriquées, à la simple
observation de l’existence. Et c’est ce qui m’a amené à
considérer que les religions sont de puériles inventions humaines,
niant les hasards de notre naissance et la partition de l’humanité
qui en résulte structurellement, en 86 % de pauvres pour 14 %
de riches – en tout –, quels que soient les aléas heureux ou
malheureux de l’existence de chacun par la suite.
Si la raison peut
s’accorde avec la foi, pour reconnaître que la vie n’a pu naître
que d’une volonté première qui, même si elle procède du néant,
a existé avant elle, j’ai choisi pour ma part de m’en remettre à
mes observations, dont il ressort que l’être humain est dominé
par ses sentiments et ses émotions au premier rang desquels figure
depuis toujours, sa ien légitime angoisse existentielle . Pour y remédier, son
imagination lui permet de se réfugier dans le roman, la poésie et
la chanson (de la ritournelle au cantique), le théâtre, le cinéma,
la TV… , allant jusqu’à s’abandonner à l’utopie et au
mystère, ces formes supérieures de la fiction. Sans omettre l'usage
des stupéfiants par ceux, toujours plus nombreux, à qui cela ne
suffit plus.
Son langage, dont le
degré d’achèvement le distingue, entre autres spécificités, de
la multitude des espèces peuplant notre univers connu, ainsi que les
autres moyens d’expression et de communication dont il a su se
doter, ne peuvent qu’y encourager l'homme, d’autant plus que sa
vanité y trouve confirmation de la distinction dont il serait
l’objet de la part des Dieux, refusant bien entendu l’idée que
Ceux-ci puissent être nés de ses propres fantasmes.
Car c’est
précisément sa spiritualité qui différencierait avant tout
l’homme des autres espèces. Mais cette spiritualité n’est-elle
pas, comme son langage, une de ces facultés distribuées aussi
inégalement que les autres, entre toutes les espèces peuplant
l’univers ? N'est-il pas au contraire prouvé que telle ou telle autre peuplant celui-ci en sont dotées, sous des forme plus ou moins élaborée,
restant à interpréter ?
Un seul atome, une
seule molécule dont l’homme est fait, lui sont-ils exclusivement
réservés ? Tous ne se retrouvent-ils pas dans les éléments
dont est constitué son environnement, qu’ils soient :
liquides, solides ou gazeux, animés comme inanimés, vivants ou
morts, chauds ou froids, visibles ou invisibles… ? En quoi
l’homme se distinguerait-il dès lors, de tout ce qui peuple cet
univers ? Quoi d’autre qu’un imaginaire débridé l’a mené
à se voir promettre une existence éternelle ? Son espèce ne
disparaîtra-t-elle pas un jour, avec l’âme ou plus simplement le
souvenir qui prend ce nom, et son habitat qu’est la Terre, sans que
le cosmos n’en manifeste davantage d’émoi que pour
l’anéantissement de n’importe quelle étoile, comme il s’en
produit à chaque instant parmi les milliards de milliards offertes à
sa vue ?
Il s’avère en
tout cas qu’en l’absence de réponses autres que celles fournies
par des mystères et des révélations dont la signification serait
réservée à ceux qui ont la foi, très tôt à l’échelle de nos
civilisations des hommes ont compris le pouvoir qu’ils pouvaient
tirer, pour le meilleur et pour le pire, des peurs de leurs
semblables ; pouvoir d’autant plus grand que ces peurs et la
crédulité qui les attise sont partagées. Plusieurs d’entre eux
ont dès lors pu apparaître comme les ambassadeurs de leurs
croyances, chargés de faire connaître et de codifier celles-ci,
dans les circonstances et les mœurs de leur époque, là où ils se
sont manifestés. La surenchère née de ces initiatives a pu ensuite
évoluer en guerres, suscitées par l’ambition de conquérir un
maximum d’adeptes. Puis, comme par un effet du balancier rythmant
tant d’autres aspects de la vie, est apparue la nécessité de
revenir à la réalité, en étudiant des faits avérés ; en
raisonnant plus ou moins logiquement ; avec l’aide de
l’expérimentation, jusqu’à la preuve à laquelle conduit la
démarche scientifique. Mais là encore est sans cesse différé
l’espoir que celle-ci finisse par triompher de peurs non plus
dues aux mystères de la création mais à celles résultant
de découvertes d’un nouvel ordre.
L’homme peut-il
donc raisonnablement penser que cette science, parvenue à expliquer
nos peurs – à défaut de les faire disparaître – annihilera la
spiritualité de l’homme ? Voici qui paraît peu probable,
tant celle-ci semble être liée à la vie, dans le combat qu’elle
livre depuis son apparition, à un environnement lui opposant une
résistance farouche, en même temps qu’il lui offre ce dont elle a
besoin pour perdurer.
Telles peuvent être
les raisons de l’homme qui, face à de telles incertitudes et à
l’impuissance de l’espèce dominante à laquelle il appartient à
les vaincre, choisit de s’en remettre à lui-même, pour se garder
d'un abus de sentiments et d’émotions pouvant le faire dévier de
cette option.
Quoi qu'il en soit, l'humble autant que libre observation d'une réalité quotidienne peut y suffire.