Propos
empruntés à Abraham Maslow ("Être humain", p.80 –
Eyrolles).
«
Il me semble remarquable que des êtres humains limités puissent se
mettre au service de grandes causes sans être eux-mêmes de grands
hommes. La science est une technique, sociale et institutionnalisée,
où même des gens intelligents peuvent s'avérer inutiles au
développement de la connaissance. Un scientifique, dès lors qu'il
se laisse voguer dans les méandres de l'histoire en s'appuyant sur
la cohorte de ses prédécesseurs, s'intègre à un tel point au sein
d'une gigantesque équipe de baskett-ball, d'un immense rassemblement
de gens, que ses propres idées peuvent passer inaperçues. Il
devient digne de révérence, digne du plus grand respect, par sa
[seule] participation à une immense et vénérable entreprise. Ainsi
je me mets à appréhender toute éventuelle découverte comme le
produit d'une institution sociale, d'une collaboration. Ce que l'un
ne découvre pas aujourd'hui, un autre le trouvera un jour ou
l'autre. Il me semble ainsi que nos scientifiques, même s'ils ont
créé, ne constituent pas le meilleur échantillon pour étudier la
théorie de la créativité. »
Mais
cela va plus loin et contamine l'ensemble de la société. Les
membres de la communauté scientifique ne sont pas les seuls en
cause ; toutes les communautés sont concernées par la remarque
d'Abraham Maslow, à commencer par celles que nous désignons sous le
nom de réseaux, tels qu'ils se manifestent notamment sur le Web.
Plutôt
qu'un espace de liberté d'opinion à laquelle il prétend, Internet
est en effet trop souvent l'endroit où se rencontrent ceux qui ne
recherchent qu'une approbation suffisant à les conforter dans l'idée
qu'ils ont raison.
Ils
ignorent qu'aucun débat digne de ce nom ne fait obligation à ceux
qui y participent d'aboutir à un accord et encore moins à la vérité
ou à ce que quiconque ait raison. Plus raisonnablement, il doit
viser à enrichir les uns des opinions des autres et réciproquement.
Et son utilité est d'autant plus grande que ces opinions divergent,
voire s'opposent. Libre à celui qui refuse ce type de confrontation
de ne pas s'y livrer. Ou de ne pas la poursuivre quand il s'y est
engagé.
De
la discussion jaillit la lumière dit l'adage. Il est bon de rappeler
à ceux qui confondent lumière et vérité, qu'elle est bien avant
cela simple éclairage.